Quitter Rosemont c’est comme ne plus jamais laisser de tomates cerises exploser en feux d’artifice sur sa langue

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Quand ma fille et moi sommes seules, elle me demande de lui dévoiler mes secrets. Elle veut connaitre le nom de mes premiers amoureux. C’est une joie de lui révéler qu’ils avaient tous les cheveux roux, comme elle, miraculeusement. Elle me demande qui était ma pire ennemie et mon repas préféré quand j’avais son âge.

Elle veut aussi que je lui raconte comment elle est arrivée dans ma vie.

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Je pensais que je ne pouvais pas avoir d’enfants. Quand j’avais treize ans, je voulais être avocate, écrire des romans policiers, avoir une Mustang bleu poudre comme Brandon dans Beverly Hills 90210 et j’aurais un petit copain si mon horoscope le jugeait opportun et surtout pas d’enfants. Quand j’ai rencontré le père de ma fille, j’ai voulu être mère, presque immédiatement, même si pourtant ça m’empêcherait d’être avocate et romancière. J’ai voulu cesser d’inventer des histoires, cesser d’être en étoile dans le lit des autres, je n’ai pas passé mon permis de conduire et j’ai voulu des enfants, pour leur apprendre le mandarin et prendre le thé avec eux, dans un monde juste à nous, un monde de maisons en draps de Spiderman et de petits déjeuners aux piroulines.

La première fois que j’ai essayé, nous étions partis une semaine à Cuba et je n’avais pas bu de rhum et coca zéro dans la piscine, comme tous les touristes. Je prenais en note les conversations autour de moi. Les histoires de Claudette qui habite à Rimouski – elle a trois chats le dernier est mort écrasé devant chez elle et depuis elle ne les sort plus. Les mecs qui se trouvent trop beaux pour les autres filles, mais ils ont des coups de soleil qu’aucun tatouage de dragon ne permet de cacher, et un égo plus gros que les miroirs en forme de cœur, posés au plafond de certains motels. Je pensais que ne pas boire pendant une semaine me permettrait de tomber enceinte en deux secondes, de retenir en moi ce que je désirais. Dans un livre sur les prénoms c’était indiqué que ma personnalité était celle d’une mère de plusieurs enfants et j’avais des cuisses parfaites pour enfanter, mais je suis incapable de protéger ce qui est important, alors je laisse tout couler. Je ne jette pas au compost mes poches de thé.

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Je ne suis pas tombée enceinte à Cuba.  Ça a pris plus de trois ans et une petite pièce condamnée puis transformée en bureau et des martinis collés au décolleté et au fond de la gorge, je buvais tout ce que je ne réussissais pas à saisir à plein cœur, ma vie la vie des autres, j’ai dansé et tombé sur le sol collant de plein de bars et dans les corridors chez moi aussi, j’ai tellement crié quand je tombais chez moi que je ne savais pas pourquoi les pompiers n’étaient pas appelés par les voisins.

J’ai passé un test, parce que je me sentais différente, comme ça, c’était entre une séance photo en lingerie au cabaret Juste pour Rire avec Pascal Ratthé et une entrevue avec Sophie Durocher pour Clin d’œil, sur notre perception du féminisme et des talons hauts. Je n’entrais pas tout à fait dans les robes que j’avais commandées, ou quand je tombais, j’avais peur, j’avais peur de quelque chose et je ne voulais jamais avoir peur, j’avais peur de trop tomber et une fois j’ai trop bu, après les photos et l’entrevue, et je m’en suis voulu. C’était comme ne pas y croire mais y croire encore, tester les limites de quelque chose qui voudrait rester avec moi, pour toujours, je l’ai appelée ma petite bête, mon oiseau, mais quand je rêvais, la nuit, elle était un chat, j’accouchais d’un chaton, sans cesse, dans mes rêves.

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Je suis tombée enceinte. Il ne me fallait pas Cuba. Il me fallait Rosemont. Quelques mois après avoir changé de quartier, après Saint-Henri et l’Ile-des-Sœurs qui n’était pas pour moi –  je marchais vingt minutes pour une crêpe et des tampons et des poivrons overpriced, et tous les taxis se trompaient de chemin quand ils me conduisaient du Vieux-Montréal à l’Ile-des-Sœurs, à trois heures du matin, ou à six heures, quand il n’est pas trop tard pour se sentir étourdie, dans une non vie sans fin, une non vie souhaitée, comme une vampire, si j’avais pu je n’aurais jamais dormi, j’aurais dansé et baisé, sur le bord des comptoirs de salle de bain de n’importe qui et j’aurais attendu que quelque chose arrive.

Ma petite bête est arrivée. Mes cuisses bonnes pour accoucher n’ont servi à rien. Après plus d’une journée à l’hôpital, monitorée, dans le bain, ou à crier pour des pompiers même si je me rappelais que pour Katie Holmes et les disciples de la Scientologie il ne fallait pas crier – c’était traumatisant pour l’enfant, ça lui empêcherait d’être astronaute ou de savoir faire des grilled cheese sans bacon – ma fille voulait rester en moi et elle a été sortie de mon ventre. Les docteurs parlaient contre une de leurs collègues, une fille avec qui j’étais allée à l’école secondaire. Je ne me souviens pas de la première fois que ma fille a été dans mes bras, mais ce n’est pas parce que j’étais dans un taxi, c’est parce qu’une vie avec plein d’autres cicatrices que celles que j’avais déjà commençait.

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Je pense vraiment que c’est Rosemont qui m’a donné la chance de l’avoir. Depuis un mois, je n’habite plus Rosemont. Ce n’est pas une peine d’amour, je ne suis qu’à côté, je marche une trentaine de minutes, et je retourne dans les parcs et crémeries d’avant, je recroise mes voisines et copines à la Ronde, ou dans un camp de jour pour enfants. Ce n’est pas une peine d’amour, mais c’est réaliser que je n’ai plus les raisins et les tomates de Diane, qui acceptait généreusement en échange mes madeleines trop pâteuses, je ne reverrais pas la serveuse chez Corvette qui sait que je prends ma pizza avec du beurre pour la croûte et mes rondelles d’oignons avec du miel, je ne sais plus les effets de la chimiothérapie de Michel du Couche-Tard, je ne sais pas si Madame Annie, à la librairie, dort bien le soir, sans angoisse, et je ne sais pas non plus ce qu’ont répondu les parents de Juliette, une camarade de classe de mon fils, une deuxième petite bête issue de ma chatte et de Rosemont, quand elle leur a demandé la définition du mot anarchie.

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Ma fille, elle, ne connait pas tous mes secrets, mais je lui donne cet été toutes mes robes noires que j’ai portées quand j’étais plus jeune et plus mince et que je voulais être un mystère. Je ne suis plus un mystère. Je suis sa mère et celle de son frère, je suis celle qui verse du lait aux amandes dans leurs céréales le matin, en petite culotte de la veille, et qui fait la vaisselle en chantant ce qu’ils aiment, Black M et son French Kiss, Britney Spears et son Toxic et Big Flo et Oli avec leur qui veut tester ma mère, qui veut tester ma mère.

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Un commentaire pour Quitter Rosemont c’est comme ne plus jamais laisser de tomates cerises exploser en feux d’artifice sur sa langue

  1. Diane Arseneault dit :

    Moi je me ennuie des éclats de rire de ma voisine et a Spiderman et a ma belle rousse avec ça regarde profonde … Le beau papa de c’est enfants. En tous k ça pas marcher a Cuba mais ta trouver la recette I Miss you mucho sometime in September Moi je va venir Vroom Vroom et enlacer mais bras autour de chaque une de vous ma fée préfère whom sprinkles her wings with her magic .xxccc

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