L’époque révolue des ballons gonflés à l’hélium

photo par Myriam Lafrenière

Dans un de mes derniers billets ici, je quittais Rosemont.

Le suicide de Heather B. Armstrong, la reine des mommy blogueuses, m’a rendue triste et nostalgique.

Je suis devenue mère avec mes enfants, mais avec les mots des autres aussi. La chick lit que je lisais, enceinte, les guides de mocktails, les blogueuses qui confiaient leur recette de lait maternel contre toutes les infections (j’ai souvent proposé le mien contre les conjonctivites).

Je lisais Kelle Hampton, qui recevait des feuilles d’automne dans des boites de carton, de la part de sa famille, car elle résidait désormais sous le soleil et s’ennuyait des quatre saisons. Je lisais Georgia, de Documenting Delight. Les deux blogueuses photographiaient leurs enfants, les sourires, la crème glacée sur les t-shirts, le sable, la simplicité de certains moments, la chorégraphie d’autres. Je lisais Dooce, je rattrapais mes lectures de Dooce, et je soulignais des passages dans le premier livre de Heather.

Elle me faisait rire. Elle me touchait. Elles me donnaient toutes envie d’être meilleure et plus vraie et plus présente. Je pense que c’est beaucoup grâce aux autres mommy blogueuses et à mon ancien quartier que j’ai pu privilégier des moments de candeur pendant des années et rester dans un conte de fée, même les jours de pluie, même les jours de désordre, les jours de fatigue, les jours de maquillage écrasé, les jours où ma fille me disait aujourd’hui, je vais t’appeler Grosse Vulve.

Je ne veux pas dire que dans mon temps, c’était mieux, mais je ressens la perte d’un pillier de cette époque comme une perte inexplicable pour celles qui n’étaient pas là, à lire à deux heures du matin sur les cours de ballet de la fille de Kelle, entourée d’enfants comme elle, trisomiques. C’était l’époque des blogueuses qui ne vendaient rien, sauf des banderoles publicitaires, des jupes blanches et vaporeuses handmade et des jouets en bois, pas de diète spéciale, pas de mode de vie sous filtre.

Moi je bricolais des voitures en carton et j’amenais mes enfants au parc, dans une poussette à laquelle j’attachais des ballons gonflés à l’hélium.

Je n’avais peur de rien, ni pour eux, ni pour moi.

Il y avait des coccinelles à regarder pendant des heures, des jambes à allonger au soleil chez d’autres mères, des salades à préparer en chantant et en écartant des Lego de notre chemin.

J’ai retrouvé le premier livre de Heather B. Armstrong. Le titre : It Sucked And Then I Cried. How I Had a Baby, a Breakdown, And a Much Needed Margarita.

Son dernier billet de blogue remonte au 6 avril, en l’honneur du dix-huitième anniversaire de sa fille Leta. Il s’intitule You’re the one that I wanted to find.

Beaucoup de blogueuses ont divorcé. Mes enfants ont grandi. Je suis près du parc Lafontaine et je laisse encore couler de la crème glacée sur mes robes.

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