Cher Mini Dragon,
Il y a un peu plus d’un an, je mangeais un Mister Freeze violet dans la baignoire, je me demandais si je pouvais rester plus longtemps dans l’eau, sans penser à la douleur, sans penser à la voix de ta soeur et à la voix de tes grands-parents, je les entendais, la porte de la salle de bain était fermée, mais ils étaient dehors, et je les entendais, je n’existais pas, pour eux, le moment que je passais avec toi, dans la baignoire, avec toi et avec un Mister Freeze violet, ce moment-là, ils ne l’ont pas connu, ils me savaient dans la baignoire, c’est tout.
Je comptais les secondes ou les minutes entre les contractions. Je ne voulais pas bouger, je ne voulais pas ajouter de l’eau chaude, je voulais partir tout de suite à l’hopital, mais aussi rester avec toi, et penser à ta soeur, je voulais rester avec elle, ta soeur chantait pour moi, quand j’avais mal, elle inventait des mots, elle me caressait le dos, elle parlait de toi, aussi. Je voulais partir. J’avais peur et j’avais hâte.
Je m’étais lavée les cheveux, et ça, pour ton papa, c’était la preuve que je n’avais pas vraiment mal. Je pouvais attendre, dans le bain, je pouvais aussi me choisir une autre robe, avant de prendre mon ventre, et de monter en voiture, avant de prendre mon ventre, en criant, je supportais moins la douleur que je ne le croyais, je prenais mon ventre, je ne voulait pas que tu craignes mes pleurs, ni mes cris. Tu les avais déjà entendus, mes larmes et mes cris, les derniers mois.
J’aurais fait la sieste avec ta soeur, mais j’en était incapable, j’avais la tête d’un chien perdu, je secouais la tête, je ne me supportais plus, j’avais les cheveux propres, je voulais avoir les cheveux propres, et je ne voulais plus avoir mal, et je voulais t’avoir contre moi, te donner le sein, tout de suite, te donner ma chaleur, toucher tes doigts, je voulais te trouver beau, je voulais dire mon fils, je voulais répéter mon fils, mon fils, je voulais m’entendre dire ces mots, je voulais dormir, je voulais m’endormir avec ta soeur et avec toi, je ne voulais pas le lit d’hopital, je ne voulais pas les infirmières qui suivent un horaire, je ne voulais pas de temps compté, de tétées forcées, de selles à décrire, je voulais mentir, je voulais t’avoir, tout de suite, et partir.
Et avoir les cheveux propres.
Quand tu es né, quelques minutes après minuit, je te touchais, je te regardais, les yeux à moitié fermés. Tu avais les cheveux foncés, les yeux foncés aussi, tu ne ressemblais pas à ton papa, tu ne me ressemblais pas non plus, tu étais si petit, ton visage si doux, je ne le dirai jamais à ta soeur, mais je t’ai trouvé si beau, et je me suis dit, c’est lui, c’est le plus beau, j’ai passé mon doigt sur ton nez, je t’ai imaginé une bosse, pour que tu me ressembles plus, j’ai passé mon doigt sur ton menton aussi, et nous avons dormi, dès la première fois, dès ton premier sommeil de bébé, l’un contre l’autre, face à une affiche d’hopital qui disait le contraire, qui nous prédisait malheurs, qui nous voulait séparés, toi dans un berceau, avec une couverture chauffée, et moi, dans un lit, le ventre mou, inutile.
La première fois que ta soeur a dit je t’aime, c’était pour toi, je t’aime bébé. Petit Charlie aux yeux de velours, comme une amie m’a écrit, petit Charlie aux yeux de velours et à la bouche en coeur, aux cheveux pâles, maintenant, petit Charlie, et grand bonheur.
Ohhhh cest tellement beau! Ca me fait me recentrer sur ce que j’ai ressenti à mon propre accouchement. Wow! Ca finit bien une soirée! 😉