Une mère exceptionnelle, je l’ai lu dans le bain, après que toute la famille ait été impliquée dans un mini accident d’auto. C’était pas la meilleure idée pour relaxer. C’est un très bon livre, au ton à la fois faussement serein, glacial et en quête, en quête de quelque chose, comme le réconfort d’une vérité qui ne se dit pas, pas encore. L’histoire de Catherine, qui achète de nouveaux vêtements à ses enfants pour la fête de Noël et qui juge ceux qui ne le font pas. L’histoire d’une mère qui cuisine des macarons et des tartes, mais qui porte en elle une douleur, celle d’avoir perdu un enfant, dans la piscine qu’elle voit tous les jours, avant un déménagement loin du drame.
J’ai posé quelques questions à l’auteure, Valérie Carreau, que j’aime depuis que son recueil de nouvelles La huitième gorgée m’a sauvée de l’ennui lors de mon conventum.
Mélodie Nelson : Te rappelles-tu comment est venue l’envie, le besoin d’écrire ce livre ?
Valérie Carreau : L’idée de ce livre découle du sentiment de surmenage qui s’est emparé de moi après la naissance de ma deuxième fille. Soudain, je me suis surprise à observer ces mères qui semblaient s’en sortir haut la main alors que moi, j’avais l’impression de me noyer dans la trop grande quantité de tâches à accomplir, de standards à respecter. J’ai osé fantasmer sur l’idée qu’il y avait certainement un prix à payer en échange de cette image de mère exceptionnelle. Que ces femmes y sacrifiaient assurément quelque chose. Cette pensée me consolait un peu.
MN : Comment perçois-tu les mères qui se donnent comme pression d’être parfaite, en apparence ?
VC : J’aime penser que toute l’énergie employée à maintenir les apparences contribue à cacher un manque à combler, une blessure plus profonde, comme chez Catherine. Aussi, peut-être est-ce pour certaines un instinct de survie ? Une façon de ne pas sombrer, de rester saine – même si cela peut paraître paradoxal. À quoi penserait Catherine si elle s’arrêtait d’élaborer des menus compliqués ? De fabriquer ses décorations de Noël ? Que ferait-elle plutôt que d’astiquer les vitraux au-dessus de la porte d’entrée ? L’autre scénario ne serait peut-être pas plus joyeux.
MN : Comment est-ce qu’être mère a changé ta façon d’écrire ? De concevoir l’écriture ? Comment cela a changé tes inspirations ?
VC : Devenir mère a ajouté des éléments à ma liste d’expériences et pour cela, la maternité influence ma façon d’écrire. J’écris à propos de choses que je connais, que j’observe. Je tente de trouver des réponses aux questions qui me préoccupent. La maternité m’amène bien sûr à découvrir de nouvelles choses, à me poser des questions qui viennent teinter mon écriture. Je ne crois pas, cependant, que j’écrirais différemment, si je n’étais pas mère. J’écrirais de la même manière, mais sur des sujets différents. La maternité n’est toutefois pas mon unique sujet d’écriture. J’envisage de m’en éloigner un peu, dans mon prochain roman. Ou du moins, l’aborder d’un angle différent.
MN : Quels sont les livres que tu aimes le plus lire à tes filles ?
VC : J’aime beaucoup les albums jeunesse de la collection Bourgeon publiés par Marchand de feuilles. Le géranium et Grand-Remous sont mes préférés, à cause de leurs belles images et des histoires surprenantes qui sortent des clichés. Sinon, j’aime écouter mon chum lire aux enfants sa collection de vieilles bandes dessinées de Mortadel et Filemon. Ça m’émeut et ça me rire. Même si les personnages fument là-dedans 😉
MN : Quels sont les émissions de télé ou les films que tu détestes le plus, mais que tu laisses tes filles écouter, pour leur bonheur ?
VC : Ces films dans lesquels les princesses rêvent et attendent leur prince charmant – et il y en a plusieurs, même dans les contes actuels. Ma plus jeune, surtout, y croit dur comme fer. Je ne sais plus comment lui faire comprendre que la vraie vie ne se déroule pas comme ça.
Sinon, les émissions des Barbies. C’est interdit, chez nous. Même au nom du bonheur.
MN : Est-ce que tu as déjà laissé ta fille goûter à ton café ?
VC : J’ai essayé avec la plus vieille, mais elle a refusé. Bien que, lorsqu’elle était plus petite et qu’on lui demandait ce qu’elle voulait faire plus tard, elle répondait : « Comme maman : je boirai de vin et du café ! » Je n’ai jamais trop su comment interpréter cette phrase…