Mon fils a eu trois ans. Personne ne me dit aussi souvent je t’aime que lui. Et pourtant, il ne sait pas très bien parler, je suis la seule à le comprendre, et ma fille, sa sœur, est la seule qui le traduit, pour le reste du monde entier, le monde entier qui se retrouve dans les mêmes parcs que nous, les mêmes fruiteries, les mêmes autobus.
Il ne parle pas comme un bébé, et quand une amie lui a dit ça, tu parles toujours comme un bébé Charles, il n’a pas su répliquer. Il m’a regardée, avec ses grands yeux de super-héros timide, et il a attendu que je le défende.
Il ne parle pas comme un bébé, il parle comme Charles, que j’ai dit.
Il parle comme Charles, il brandit une épée comme Charles, il danse comme Charles, il hurle, il tire les cheveux, il demande un câlin, il me caresse la joue, pour me réveiller, il se blottit contre moi, et quand il se réveille, il attend ma main, sur lui, pour se rendormir.
Quand nous ne dormons pas, nous placotons, dans son langage secret, de ce qu’il trouve magnifique, il dit magnifique, et nous nous disons je t’aime. Il me demande aussi s’il est beau et je lui dis et ma fille lui dit, aussi, qu’il est le plus beau.
Ma fille lui promet aussi qu’elle ne jouera plus jamais avec lui, quand il refuse de lui prêter un serpentin ou un Playmobil, je ne jouerai plus jamais avec toi même quand je serai très grande, même quand tu seras très grand, même quand maman nous donnera de la crème glacée, plus jamais.
Et chaque jour, ils s’enfuient, tous les deux, main dans la main, ou elle en bicyclette, lui en sandales Pat Patrouille, au bout de la ruelle, ils ne me veulent plus tout le temps.
Photos: Myriam Lafrenière