La première fois que je l’ai rencontré, j’étais sûre d’avoir l’air de la maman la plus antisociable du monde, avec des grosses lunettes noires par une journée pas si ensoleillée. Mais Pascal Colpron, un illustrateur et auteur trop sympa pour me croire antisociable, m’a parlé d’amis que nous avions en commun (hello Delf!) et nous avons joyeusement parlé de nos enfants chéris et du monde de l’édition au Québec.
Pascal est un père qui parle fièrement de ses filles, de leurs dessins, de leur quotidien, et il manifeste souvent son plaisir à les voir grandir, tout en travaillant sur mille projets en même temps. Un bédéiste à découvrir, un père à écouter!
As-tu toujours voulu être papa?
Pascal Colpron: Je savais que je voulais avoir des enfants un jour, dans ma tête c’était la trajectoire normale des choses. J’aurais aimé les avoir dans la vingtaine comme mes propres parents et ceux de ma conjointe, mais la vie en a voulu autrement. En attendant, j’ai été un mononcle qui jouait beaucoup avec ses neveux, nièces, et les enfants de mes amis.
Quels étaient tes rêves de jeunesse (genre à l’époque ou les professeurs nous demandaient de faire un exposé oral sur notre future profession)?
Pascal Colpron: J’en avais (et j’en ai toujours) plusieurs, mais qui tournent tous autour de la même chose : créer des histoires, des univers, des personnages qui s’implantent dans la tête des gens avec leur vie propre, que ce soit par le biais du dessin ou de l’écriture.
Comment décrirais-tu ta vie familiale?
Pascal Colpron: Une course, voire un marathon? Un casse-tête? Difficile à dire. En revanche, beaucoup d’amour, de moments de réalisation et de partage de culture, de valeurs, de connaissances.
Parle-moi de ton travail. Qu’est-ce qui t’a inspiré à devenir travailleur autonome?
Pascal Colpron: Quand mon patron a commencé à limiter Internet au bureau.
Comment réussis-tu à concilier travail autonome awesome-vie familiale-vie amoureuse? Quels sont les défis que ça représente au quotidien?
Pascal Colpron: En ce moment, le défi principal, pour moi, c’est de gérer mon énergie pour être capable de tout faire ce qui doit être fait. À quarante ans, on se fatigue plus rapidement qu’à vingt ans. En conséquent, c’est impossible de tout réussir en même temps, d’avoir la maison en ordre, les devoirs et leçons faits, les repas à l’heure, la vaisselle lavée, les enfants divertis, les contrats livrés, tes projets personnels avancés, surtout lorsqu’on a des standards élevés dans tous ces domaines… Donc on priorise selon les circonstances, (i.e. : les deadlines) et on ESSAIE de bien vivre avec nos choix.
Comme travailleur autonome, j’essaie de m’astreindre à un horaire régulier, ce qui consiste essentiellement à me donner des rendez-vous fixes à la table à dessin. Je me donne des objectifs en heures de travail ou en étapes de réalisation. Je travaille pendant les siestes de la petite, au retour de l’école, après les devoirs, quand les filles peuvent s’amuser ensemble, et de soir, en me bottant le cul, lorsque les enfants sont couchés. Exceptionnellement (et la culpabilité, inévitablement, s’ensuit), je vais ploguer la petite devant des épisodes de Passe-Partout pour travailler en matinée. C’est pas toujours évident de travailler de façon entrecoupée. Mais bon, les deux vont être à l’école à partir de septembre, alors je pourrai bientôt revenir à des horaires plus normaux, profiter d’une meilleure concentration. J’ai hâte.
Sinon, du côté du couple, c’est difficile d’avoir la même sorte d’intimité que celle que l’on avait avant les enfants, mais bon, on s’est essayés pendant dix ans avant d’avoir notre plus vieille, alors on a eu plein de temps pour s’occuper l’un de l’autre.
Quel est le meilleur conseil qui t’a été donné sur l’art d’être parent?
Pascal Colpron: Peut-être celui de mon beau-frère André, trois fois papa, qui m’avait lâché un coup de fil la veille de la naissance de ma plus vieille pour me dire : « Fais-toi z’en pas, ça va bien aller. » Je pense qu’il y a de la sagesse là-dedans. C’est l’état d’esprit qui est important. C’est facile de céder à la panique à chaque truc bizarre qui arrive (et avec les enfants, il y en a légion), mais si tu t’occupes raisonnablement bien des choses qui clochent, en gardant ton calme, tout finit par se tasser. Je suis conscient d’avoir le privilège d’avoir deux belles filles brillantes, en bonne santé, qui s’entendent bien ensemble, mais je me dis souvent que si les enfants étaient généralement aussi compliqués et fragiles que l’on tente de nous faire croire (société de consommation oblige…), la race humaine n’aurait pas passé l’étape de la préhistoire.