J’étais conquise dès la première phrase de La gaieté, le dernier livre de Justine Lévy: “C’est quand je suis tombée enceinte que j’ai décidé d’arrêter d’être triste, définitivement, et par tous les moyens.”
La tristesse, pour moi, avant d’être enceinte, c’était un peu refuge, presqu’une obligation, un repos, c’était aussi inconfortable que réconfortant, être triste, toujours, souvent, puis de ne plus l’être, en sortant, en dansant, en me baignant, en restant longtemps sous le jet d’une douche, dans le noir.
Je me suis refusée d’être triste, quand j’attendais ma fille. Je ne voulais pas que ma tristesse ne l’atteigne. Je repoussais les cauchemars, les gens que je pouvais croiser dans la rue et dont j’avais peur, une seule personne, que je n’ai finalement pas croisée, parce que je suis bonne pour ne rien voir, et aussi, peut-être, parce que je ne l’ai jamais véritablement croisée, cette personne, cet homme qui habitait près de chez moi et qui s’achetait un chien et des mensonges pour m’avoir encore.
“Moi j’ai tout oublié. Je ne veux plus savoir plus entendre plus sentir plus me souvenir. Il y a sans doute une part de moi qui est triste à ma place, et qui pleure pour moi, pour toutes les fois où je n’ai pas pleuré, où j’ai serré les dents.”